par Charles Onunaiju
Grace à la Zone de libre-échange continentale africaine, le commerce fera un bond en avant sur le continent
Lors du lancement de la phase opérationnelle de l'Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC) dans la capitale du Niger, Niamey, au début juillet, le président de la Commission de l'Union africaine (UA), M. Moussa Faki Mahamat, a qualifié cet accord d' ? historique ?, ajoutant que ? L'entrée en vigueur rapide de la ZLEC est une fierté majeure pour nous tous. ?
Soulignant l'ampleur inégalée de l'accord commercial, M. Mahamat a déclaré que cet accord visait plus qu'une zone de libre-échange, mais aussi un instrument d'industrialisation et d'intégration, avec des aspirations similaires à celles de l'Agenda 2063 de l'UA. Les Présidents Muhammadu Buhari (Nigeria) et Patrice Tallon (Bénin) ont signé l'accord, ce qui porte à 54 le nombre de nations africaines ayant adhéré à la ZLEC. Seule l'érythrée n'a pas encore signé.
Cependant, l'Accord sur la ZLEC, signé lors du 12eSommet extraordinaire de l'UA, n'est pas le seul à être ? historique ? dans la quête de l'Afrique pour l'intégration, un marché commun et une zone de libre-échange.
En 1980, les ambitieux Plan d'action de Lagos et l'Acte final de Lagos, conclus en avril de cette année-là, représentaient un effort continental considérable tra?ant une ligne de conduite formidable. Ces initiatives visaient la formation d'énormes économies d'échelle régionales reposant sur des convergences économiques stratégiques et clés, ainsi que la conduite d'une intégration fonctionnelle et d'un marché régional à travers des dépenses massives dans les réseaux infrastructurels et industriels.
Peu de temps après ce jalon historique, les institutions de Bretton Woods, ainsi que le département du Trésor américain, ont publié un document rival concernant le programme de stabilisation et d'ajustement structurel. Ces initiatives ont rapidement gagné du terrain, tandis que l'initiative régionale africaine luttait pour obtenir l'espace qui lui était d?.
Un peu plus tard, le 3 juin 1991, 51 états africains ont adhéré à la Communauté économique africaine (CEA), un autre tournant décisif dans les efforts régionaux déployés par l'Afrique pour élaborer une feuille de route pour la relance économique et le développement durable après l'échec du programme d'ajustement structurel des années 1980 né du consensus néolibéral de Washington. La CEA n'a toutefois pas cherché à renverser le libéralisme ou les réformes axées sur le marché, mais plut?t à exploiter ses avantages grace aux économies d'échelle.
En s'appuyant sur les idées formidables des années 1980, du Plan d'action de Lagos et de l'Acte final de Lagos, le Traité instituant la CEA visait, entre autres objectifs, à promouvoir et à renforcer les investissements communs dans la production et le commerce des principaux produits et intrants dans un cadre visant l'autonomie collective.
Il préconisait également la libéralisation du commerce en supprimant, parmi les états membres, les droits de douane per?us sur les importations et les exportations ; l'harmonisation des politiques nationales afin de promouvoir les activités communautaires ; l'adoption d'une politique commerciale commune ; l'établissement et le maintien d'un tarif extérieur commun ; et l'établissement d'un marché commun.
Ces objectifs, parmi d'autres, ont été précisés dans le Traité instituant la CEA et ne différaient pas beaucoup des objectifs de la ZLEC, même si l'historique Plan d'action de Lagos était plus complet et beaucoup plus stratégique en ce qui concerne la vision de l'intégration régionale, incluant un marché commun et une zone de libre-échange.
Il est intéressant de noter que la Chine, dont le PIB à la fin des années 1970 et au début des années 1980 était inférieur à celui de certains pays africains, a lancé sa politique de réforme et d'ouverture à peu près au même moment que le Plan d'action de Lagos était formulé. Alors que la Chine a maintenu le cap de ses efforts de réforme, l'initiative continentale africaine de réforme s'est retrouvée prise dans un piège mortel tendu par les puissances extrarégionales. Quarante ans plus tard, le PIB de la Chine s'est multiplié par 84, ce qui est plus que pour tous les autres pays africains. 840 millions de Chinois ont été sortis de la pauvreté, et la Chine est devenue la deuxième économie mondiale.
Le président de la Commission de l'Union africaine, M. Moussa Faki Mahamat, le Président égyptien et président de l'Union africaine, M. Abdel Fattah el-Sisi, et le Président nigérien, M. Mahamadou Issoufou (de gauche à droite), sont réunis lors du lancement de la phase opérationnelle de l'Accord sur la ZLEC, le 7 juillet, à Niamey, capitale du Niger.
La ZLEC, dont le voyage a débuté l'année dernière dans la capitale rwandaise, Kigali, doit s'interroger de manière critique sur ses faiblesses et identifier pourquoi ses nombreux illustres prédécesseurs ont échoué. La connectivité régionale ou continentale à travers le renouvellement des infrastructures, actuellement au c?ur de la coopération sino-africaine dans le cadre de l'initiative ? la Ceinture et la Route ?, peut contribuer de manière significative à la création des conditions nécessaires à la création d'une zone de libre-échange fonctionnelle et fructueuse.
Mais pour que la ZLEC réussisse, il faudra que la dynamique nécessaire soit générée de l'intérieur. La priorité parmi les moteurs de la dynamique est l'alignement des politiques ou la coordination des pays participants afin d'améliorer la connectivité institutionnelle. Cela signifie un compromis important entre la souveraineté institutionnelle et politique. C'est exactement ce qu'a fait l'Afrique pendant de nombreuses années, sous l'emprise du chantage des puissances et des institutions occidentales. Elle ne devrait donc pas hésiter à donner une partie de ses prérogatives souveraines aux initiatives internes nécessaires pour créer une zone de libreéchange et un marché commun conduisant à l'intégration régionale.
La ZLEC est le dernier-né de l'Afrique. Elle pourra apprendre à marcher tant que des principes stratégiques seront mis en place pour que des conditions de marché et économiques opérationnelles prennent forme et fonctionnent de manière optimale de leur propre chef.
L'Afrique jouit désormais d'un avantage unique sur le plan international grace à un multilatéralisme croissant et en expansion, avec un système international moins tributaire d'une ? hyperpuissance ? dominante, laissant le continent libre de chercher de vastes partenariats à travers le monde.
Et il y a plus important encore : il ne faut pas croire que la zone de libre-échange, même si elle est entrée dans la phase opérationnelle, produira des résultats rapides et soulagera immédiatement l'Afrique de l'immense fardeau de la pauvreté de la majorité de sa population.
Le besoin immédiat pour la ZLEC est de maintenir le cap avec constance et cohérence. Il lui faudra traverser la rivière en tatant les pierres, comme disait le grand réformateur chinois, Deng Xiaoping, lors de sa longue marche pour réformer et ouvrir la Chine, il y a 40 ans.